Suppression des taxes sur les produits de première nécessité : Un coup de massue pour l’industrie locale en RDC
Lors d’un point de presse tenu ce samedi 31 août 2024 à Kinshasa, Jérôme Sekana Pene-Papa, coordonnateur national de l’ONG « Toile d’Araignée », a exprimé des préoccupations majeures concernant la récente proposition du gouvernement congolais visant à supprimer les taxes sur les produits de première nécessité. Une initiative qui, selon lui, pourrait s’avérer désastreuse pour l’économie nationale, en particulier pour l’industrie locale, notamment le secteur de l’huile de palme.
Dans son intervention intitulée, “le gouvernement Suminwa veut crucifier la production locale”, Jérôme Sekana a dénoncé les conséquences néfastes de cette mesure sur l’économie congolaise.
« Nous voulons bien sûr réduire le coût de la vie pour les Congolais, mais la manière d’y parvenir est d’investir dans une industrie locale florissante », a-t-il déclaré d’emblée.
« Au jour d’aujourd’hui, la Malaisie est devenue le premier pays producteur d’huile de palme. Mais la semence est partie d’ici, de Yangambi dans la Tshopo. Quelqu’un qui est venu prendre la semence chez vous s’est développé et commence à vous nourrir vous qui en avez à gogo. Quelque part, on doit se poser des questions. Nous produisons 301 mille tonnes d’huile de palme. La production industrielle est évaluée à quelque chose comme 181.000 tonnes. Vous avez une production artisanale de 120.000 tonnes. Pour couvrir les besoins de l’ensemble de 100 millions de congolais, nous avons besoin de plus au moins de 550.000 tonnes d’huile de palme. Mais nous avons des raffineurs, des sociétés à capitaux congolais qui produisent l’huile de palme, à l’instar de Boussira Lomami, Palmco, Compagnie des Commerces et des plantations, Marsavco, Plantations et huileries du Congo (PHC). Quand je parle de l’huile raffinée, c’est l’huile brute travaillée dans une industrie pour obtenir une bonne huile des tables comme l’huile Régina. Et notre production est de 249.000 tonnes d’huile) raffinée », a expliqué Jérome Sekana.
Et d’ajouter : « Et cette huile est raffinée par des Congolais. Si vous allez dans ces raffineries, vous trouverez de jeunes hommes et femmes qui y travaillent pour raffiner. Dans ce secteur, l’emploi est évalué à plus ou moins 1,5 million. Ajouter à cela les dépendants, c’est encore plus. Donc, le problème ici c’est que lorsque le gouvernement décide de baisser les tarifs à l’importation d’un produit comme l’huile de palme, il est en train de tuer la production locale. Je peux comprendre pour le maïs parce que nous avons encore du chemin à parcourir, nous ne produisons pas assez. Mais encore, nous devons travailler d’arrache-pied pour que chaque année nous puissions arriver à obtenir cette autosuffisance alimentaire », a-t-il précisé.
Des emplois en péril
Jérôme Sekana a particulièrement mis en lumière la menace qui pèse sur le secteur de l’huile de palme, qui représente environ 40 % de la production agro-industrielle de la RDC.
« Ce secteur emploie directement plus de 50.000 travailleurs et soutient indirectement environ 500.000 personnes. La suppression des taxes sur les produits importés pourrait mettre en péril ces emplois et rendre vulnérables des milliers de ménages », a-t-il souligné.
Le coordonnateur de l’ONGD “Toile d’Araigné” a mis en lumière la situation de la société PHC, leader du secteur, qui emploie plus de 10.000 personnes dans les provinces de l’Équateur, de la Mongala et de la Tshopo. Selon lui, cette entreprise pourrait être contrainte de réduire sa production, mettant ainsi en péril des milliers d’emplois et compromettant les efforts de développement économique dans ces régions.
Un choix politique dangereux
L’orateur a également souligné que cette politique de suppression des taxes va à l’encontre des objectifs d’autosuffisance alimentaire promus par le Chef de l’État dans son Programme de Développement Local des 145 Territoires, en particulier dans son volet « Transformation Agricole ». En continuant à privilégier les importations, le pays risque de compromettre sa capacité à produire suffisamment de nourriture pour sa population et de rester dépendant des importations étrangères, notamment en provenance de Malaisie, Indonésie, Thaïlande et Inde.
« Comment peut-on parler de revanche du sol sur le sous-sol si, en même temps, le marché congolais est inondé de produits importés ? », a questionné Sekana, appelant le gouvernement à reconsidérer cette approche pour garantir un avenir prospère et autosuffisant pour la RDC.
« Vous prenez l’huile de palme, grâce à laquelle cette partie du pays est en train de retrouver sa prospérité, vous mettez sur une liste dans une concurrence déloyale; ça n’existe pas. Et vous voulez faire signer un décret à Madame le Premier Ministre pour dire qu’on doit accorder des facilités aux importateurs. Quand on accorde des facilités aux importateurs, vous créez de la richesse dans leurs pays d’origine. Donc l’argent qui sort de la RDC va permettre à un agriculteur malaisien de devenir millionnaire et le congolais qui est ici va croupir dans la misère la plus noire et restera toujours dépendant », a-t-il insisté.
Par ailleurs, Jérôme Sekana a averti que la poursuite de cette politique mettrait en péril l’industrie locale et hypothèquerait l’avenir économique du pays. Il a exhorté le gouvernement et les décideurs à prioriser l’autosuffisance alimentaire et à adopter des politiques cohérentes pour soutenir la production locale, assurant ainsi un développement durable pour tous les Congolais.
Bertin Al-bashir
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