Gouvernement : Quand la création d’une aire protégée suscite des remous au sein de la société civile
Lors de la réunion du conseil des Ministres du vendredi 02 novembre 2024 dirigée par le président de la République, l’option a été levée pour la création d’une Aire Protégée à vocation de Réserve Communautaire dénommée « Couloir Vert Kivu-Kinshasa ».
La décision de la création de cette réserve fait suite au rapport de mission d’évaluation effectuée au Nord de Beni et au Sud de l’Ituri sur la stabilisation de cette partie du pays où les ADF/NALU avaient installé la terreur et causé la mort de plusieurs compatriotes depuis 2021 reçu par le Président de la République.
Selon le compte rendu du conseil des ministres, après avoir constaté le succès du modèle de stabilisation par la combinaison du développement économique et de la conservation de la nature, il a également noté avec satisfaction les résultats obtenus à la suite de la mise en commun des efforts des communautés locales, de l’Institut Congolais de Conservation de la Nature (ICCN), de la Fondation Virunga et des Forces Armées de la République Démocratique du Congo. D’où l’option levée par le Président de la République de créer cette aire protégée devant permettre le développement d’une économie verte entre l’Est et l’Ouest de la RDC.
Zone du projet
A en croire le gouvernement, la première phase de ce projet sera matérialisée dans la zone incluant la Route Nationale n°4 de Beni à Kisangani et le bassin du Fleuve Congo de Kisangani à Kinshasa.
“La création de cette aire protégée positionne notre pays comme leader des solutions de lutte contre le changement climatique et le rend incontournable pour l’atteinte des objectifs communs de l’Accord de Paris.
Cette décision préservera plus de 100 000 Km2 de forêts primaires confirmant la République Démocratique du Congo comme Pays Solution”, peut-on lire dans le compte rendu du conseil des ministres.

Intervention des services spécialisés
Le projet de création de “Couloir Vert » doit être exécuté par des services spécialisés. D’abord, l’Institut Congolais de Conservation de la Nature, assisté des différents services du Ministère de l’Environnement et de ses partenaires, devra procéder à l’élaboration d’une étude de la nouvelle aire protégée. Ensuite, le projet doit être intégré dans la phase 2 du PDL 145 territoires, la mise en exploitation de 2 000 ha dont 1 000 ha seront dédiés aux plantations des palmiers à huile dans chacun des 145 territoires du pays ; l’objectif étant de renforcer la production du biodiesel à partir de l’huile de palme sur l’ensemble du pays. Enfin, au Centre de Recherche de Yangambi est chargé de la préparation des semences de noix de palme destinées à ce projet et que le Conseil Consultatif Présidentiel du Pacte National pour l’Agriculture et l’Alimentation (CCP-PNAA) accompagne la mise en exploitation de ces palmeraies dans les 145 territoires du pays.
Réactions de la société civile environnementale
L’information sur la création de cette aire protégée est vite arrivée dans les oreilles des membres de la société civile congolaise qui ont réagi sans tarder. Si les uns se posent des questions, les autres font des propositions pour y arriver, d’autres encore doute de la matérialisation d’un tel projet.
“Quelle est la procédure suivie? Quid du consentement libre informé et préalable (CLIP)? C’est sur un espace inhabité sans aucun droit coutumier?”, s’est interrogé un membre de la société civile.
“Une décision prise au Conseil des Ministres n’est pas un acte créateur d’une aire protégée. La décision est un acte du gouvernement qui va permettre aux Ministères sectoriels concernés de procéder conformément aux exigences légales, à matérialiser cette décision”, soutient un expert en droit de l’environnement.
“Combien de conflits existent à ce jour entre les communautés riveraines et les éco gardes, combien les droits des communautés sont bafouillés?, s’interroge un autre expert.

“La mise en œuvre de cette décision n’interviendra pas de si tôt. Elle prendra du temps pour les études préalables et exigera des moyens qu’il faudra d’abord mobiliser”, fait remarquer un expert en marché carbone.
“Il devient de plus en plus évident que la conservation se fasse par la puissance publique, une approche en voie de disparition. C’est fort intéressant que l’état prenne le lead de conservation dans ces zones à haut risque où aucun privé n’ira risquer son argent. Enfin, si cet objectif se matérialise, ça fera 1/3 de l’objectif 30×30 de la conservation communautaire qui devrait contribuer à 30 millions ha de zones conservées. Par contre, là où je suis dubitatif, c’est au niveau de l’opérationnalisation. Si c’est un énième 1 milliard d’arbres, mieux vaut laisser seulement…”, note un autre expert.
“Nous avons un réseau d’aires protégées assez développé, mais quel en est leur état des lieux actuel ?
Nous avons des parcs nationaux dans lesquels le principe est la conservation intégrale… Mais combien d’argent l’État y verse pour que les objectifs de conservation soient atteints? Beaucoup de nos Parcs nationaux et autres Aires protégées échappent à plus de 60% au contrôle de l’État….”, regrette quelqu’un d’autre.
Ces réactions ne sont qu’un échantillon parmi plusieurs autres soulevées par les membres de la société civile. Le gouvernement est donc appelé à penser et repenser son action pour éviter une épée dans l’eau et générer des conflits inutiles entre les communautés de l’espace concerné.
Ruben Ns Mayoni
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