Grand Inga : un projet aux multiples défis et incertitudes
Le projet hydroélectrique du Grand Inga, présenté comme la clé du développement énergétique de la République démocratique du Congo (RDC), reste enlisé dans des questionnements stratégiques, financiers et sociaux, d’après la Coalition des Organisations de la Société civile pour le suivi des Réformes et de l’Action Publique (CORAP). Alors que le gouvernement congolais mise sur le Partenariat Public-Privé (PPP) pour concrétiser ce méga-projet, les critiques persistent quant à son opacité, sa rentabilité et ses impacts socio-environnementaux.
Dans son rapport publié mardi 13 mai dernier, la CORAP souligne le fait que face à l’incapacité de l’État à financer seul des infrastructures de cette envergure, le PPP s’est imposé comme la solution privilégiée. Cependant, les différents modèles proposés depuis 2013 – portés par la Banque mondiale, des consortiums sino-espagnols, l’australien Fortescue Future Industries (FFI) ou encore la nigériane Natural Oilfield Services Limited (NOSFL) – peinent à convaincre.
Pour la CORAP, le projet Grand Inga est un jeu de ping-pong perdu d’avance pour la RDC, car en 2013, le modèle Banque mondiale/BAD prévoyait un financement de 9 milliards USD pour Inga 3 Basse Chute (4 800 MW), avec une répartition contestée de l’énergie (2 500 MW pour l’Afrique du Sud, 1 300 MW pour les mines katangaises, 1 000 MW pour la SNEL). Critiqué pour son manque de transparence et l’absence d’études sérieuses sur la demande locale, ce modèle a été abandonné.
En 2018, le consortium sino-espagnol propose une extension à 11 050 MW pour 14 milliards USD, mais suscite des craintes quant aux déplacements massifs de populations (37 500 personnes) et aux risques écologiques (inondations jusqu’en Congo-Brazzaville).
En 2020, FFI mise sur les « industries vertes », promettant 40 000 MW pour 26 milliards USD, mais son opacité et ses exigences exclusives soulèvent des inquiétudes sur la souveraineté énergétique de la RDC.
En 2024, NOSFL entre en scène avec un protocole flou sur une phase de 7 000 MW, sans précisions budgétaires ni calendrier, alimentant le scepticisme, peut-on lire dans ce rapport de la CORAP.
Un avenir incertain

La CORAP estime que malgré les annonces répétées, le Grand Inga reste un projet fantôme, tiraillé entre ambitions géopolitiques, intérêts privés et manque de vision étatique. La RDC, qui pourrait devenir le leader énergétique de l’Afrique, risque de se retrouver piégée par des contrats déséquilibrés, une dette insoutenable et des retombées minimes pour sa population.
Sans transparence ni planification claire et inclusion des populations, le miracle tant attendu du Grand Inga pourrait bien se transformer en un nouveau mirage économique pour la RDC.
Pendant que le temps de la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD) est en train de filer, la RDC risque de ne réaliser aucun de ces objectifs, même pas l’ODD 7 lié à l’accès à des services énergétiques fiables au coût abordable.
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