Prix “Tulipe 2024” : Les efforts de l’ACEDH couronnés
Alerte Congolaise pour l’Environnement et les Droits de l’Homme (ACEDH), a reçu le mardi 10 décembre 2024, le prix “Tulipe 2024”, décerné par l’Ambassade des Pays-Bas en République démocratique du Congo. Ce prix, toute une symbolique, est décerné à l’occasion de la célébration de la journée internationale des droits de l’homme, qui coïncide avec le 76ème anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948. Me Olivier Ndoole, Coordonnateur de l’ACEDH, a répondu aux questions de versvert-infos.com dans une interview réalisée avec lui.
Versvet-infos : Quel est le sens du prix tulipe 2024 vous décerné par l’Ambassade des Pays-Bas ?
Me Olievie Ndoole : Ce prix symbolise la reconnaissance et la valorisation du travail des défenseurs des droits fonciers, des droits de l’environnement de tous les militants climatiques y compris des indigènes qui se battent jour et nuit au prix de leur sang pour la sauvegarde de l’environnement et la protection des droits des communautés locales et des peuples autochtones.
Il s’agit donc d’une reconnaissance et d’une valorisation pour porter la voix du défenseur paysan de la forêt en République démocratique du Congo.
VVI : A qui dédiez-vous ce prix ?
Me O.N : Ce prix constitue non seulement une motivation, mais symbolise aussi un couronnement des efforts collectifs de tous les défenseurs au niveau rural, qui, au prix de leur vie, de leur sang et de leur liberté se battent jour et nuit pour la sauvegarde de la biodiversité, et même en termes de la transition énergétique, de la protection des droits et des moyens de subsistance des communautés locales contre les économies destructrices des moyens de subsistance, contre toutes ces multinationales qui se battent pour les minerais. Et donc, c’est un couronnement.
VVI : rencontrez-vous des difficultés en tant que défenseurs des droits de l’environnement ?
Me O.N : On voudrait à juste titre démontrer tous les défenseurs de l’environnement et des droits fonciers dans l’exercice de leur travail font face à plusieurs difficultés. Si vous prenez la période de janvier à juin 2024, plus de 7 défenseurs de l’environnement ont été tués en République démocratique du Congo, d’autres collègues ont été condamnés à 20 ans de prison et croupissent dans la prison de Munzenze.
Moi-même j’ai eu autant de problèmes par rapport à mon engagement. J’ai été en exil aux Pays-Bas en 2015 et au Kenya du fait de mon engagement par rapport à la défendre des droits fonciers et de la biodiversité.
Il faut savoir que la protection de l’environnement, c’est l’une des activités les plus risquées en RDC, bien qu’elles soient des activités plus importantes pour la sauvegarde sociale, des biens des communautés locales. Elles sont aussi des activités qui maintiennent le cap par rapport à ce qui constitue actuellement le pouvoir international en termes de justice climatique pour la République démocratique du Congo, mais aussi les questions d’une transition juste, transparente mais aussi équitable et inclusive en termes de gouvernance des régimes fonciers responsables, justes et durables.

VVI : Qu’en est-il de la loi portant protection des défenseurs des droits humains en RDC ?
Me O.N : Nous ne pouvons pas ne pas dire que la loi portant protection et responsabilité des défenseurs des droits humains c’est déjà quelque chose en termes d’avancées, du fait que c’était un besoin pour la reconnaissance du travail des défenseurs des droits humains. Mais jusque-là, nous ne pouvons pas dire que cette loi nous fait avancer en quoi que ce soit, parce que comme vous le savez, la loi vient mettre en place un droit pénal spécial contre les défenseurs des droits humains.
En ce qui concerne les défenseurs de l’environnement par exemple, nous travaillons avec des défenseurs au niveau rural, la loi met en place des conditionnalités discriminatoires qui écartent totalement ces derniers et qui les exposent même à des peines ou des poursuites. Si vous lisez les articles 26, 27 et 28, et que vous les couplez aux articles 2, 3, 7 et 11, vous trouverez que ça ne facilite pas leur engagement. Et même la liberté en termes de réunion, de manifestations, voire de pensée pour les défenseurs de l’environnement.
Et donc, cette loi mérite une re-visitation, renforcer ce cadre pour donner plus de liberté et de sûreté aux défenseurs de l’environnement, parce que la RDC, en termes de vocation pour la sauvegarde sociale et la protection climatique, doit avoir plus de défenseurs.

VVI : Quelles en sont les perspectives ?
Me O.N : En termes de perspectives, je pense que nous devons engager plus de réformes juridiques et institutionnelles avec un plaidoyer au niveau national et international. Et il faudra soutenir l’initiative Leeds, laquelle initiative vise à mobiliser les acteurs multilatéraux pour voir comment renforcer non seulement l’accès à l’information d’intérêt public et la participation, mais aussi l’accès à la justice en faveur des défenseurs de l’environnement.
Il faudra aussi voir comment plaider et engager des discussions au niveau non seulement local pour avoir un contenu exact et réel sur la question de la transition énergétique, pour éviter qu’elle ne soit un concept qui donne seulement des opportunités aux défenseurs des nations les plus civilisées, qui sont en mesure d’utiliser nos minerais stratégiques, mais que cela donne aussi un contenu aux besoins et aux pensées de toutes ces communautés qui dépendent des moyens de subsistance en termes par exemple de ressources forestières, foncières ou de pêche.
C’est aussi le temps d’engager au niveau régional des discussions en faveur d’un accord du type ex casu, qui pourra donc protéger les défenseurs, et leur faciliter l’accès à la justice et même pour les indigènes, ainsi que capitaliser le savoir communautaire pour la sauvegarde de notre biodiversité. Mais aussi consolider une économie plus verte qui ne dépende pas de l’exploitation des énergies fossiles.
D’autres perspectives, c’est de voir comment engager beaucoup plus de débats au niveau interne pour avoir plus de défenseurs au niveau local qui vont constituer, en quelque sorte, une cheville ouvrière en faveur des engagements en termes de justice climatique pour l’avenir de la planète.
Interview réalisée par Ruben Ns Mayoni
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